Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, II.djvu/463

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voudra vous convertir si vous avez le bon goût de faire de l’esprit fort, car vous aurez ouvert une issue aux phrases stéréotypées, aux airs de tête et aux gestes convenus entre toutes ces femmes : — Ah ! fi donc ! je vous croyais trop d’esprit pour attaquer la religion ! La société croule et vous lui ôtez son soutien. Mais la religion, en ce moment, c’est vous et moi, c’est la propriété, c’est l’avenir de nos enfants. Ah ! ne soyons pas égoïstes. L’individualisme est la maladie de l’époque, et la religion en est le seul remède, elle unit les familles que vos lois désunissent, etc. Elle entame alors un discours néo-chrétien saupoudré d’idées politiques, qui n’est ni catholique ni protestant, mais moral, oh ! moral en diable, où vous reconnaissez une pièce de chaque étoffe qu’ont tissue les doctrines modernes aux prises.

Les femmes ne purent s’empêcher de rire des minauderies par lesquelles Émile illustrait ses railleries.

— Ce discours, cher comte Adam, dit Blondet en regardant le Polonais, vous démontrera que la femme comme il faut ne représente pas moins le gâchis intellectuel que le gâchis politique, de même qu’elle est entourée des brillants et peu solides produits d’une industrie qui pense sans cesse à détruire ses œuvres pour les remplacer. Vous sortirez de chez elle en vous disant : Elle a décidément de la supériorité dans les idées ! Vous le croirez d’autant plus qu’elle aura sondé votre cœur et votre esprit d’une main délicate, elle vous aura demandé vos secrets ; car la femme comme il faut paraît tout ignorer pour tout apprendre ; il y a des choses qu’elle ne sait jamais, même quand elle les sait. Seulement vous serez inquiet, vous ignorerez l’état de son cœur. Autrefois les grandes dames aimaient avec affiches, journal à la main et annonces ; aujourd’hui la femme comme il faut a sa petite passion réglée comme un papier de musique, avec ses croches, ses noires, ses blanches, ses soupirs, ses points d’orgue, ses dièzes à la clef. Faible femme, elle ne veut compromettre ni son amour, ni son mari, ni l’avenir de ses enfants. Aujourd’hui le nom, la position, la fortune ne sont plus des pavillons assez respectés pour couvrir toutes les marchandises à bord. L’aristocratie entière ne s’avance plus pour servir de paravent à une femme en faute. La femme comme il faut n’a donc point, comme la grande dame d’autrefois, une allure de haute lutte, elle ne peut rien briser sous son pied, c’est elle qui serait brisée. Aussi est-elle la femme des jésuitiques mezzo termine, des plus louches