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au fait des affaires d’un homme que tu dis aimer, et tu le laisses sans le sou, et il se tue ; ou plutôt il ne se tue pas, il se manque. Un suicide manqué, c’est aussi ridicule qu’un duel sans égratignure.

— Tu mens, dit Florine. Il a dîné chez moi ce jour-là, mais après le soleil couché. Le pauvre garçon était poursuivi, il s’est caché, voilà tout.

— Va donc demander rue du Mail, à l’hôtel du Mail, s’il n’a pas été amené mourant par une belle femme avec laquelle il est en relation depuis un an, et les lettres de ta rivale sont cachées, à ton nez, chez toi. Si tu veux donner à Nathan quelque bonne leçon, nous irons tous trois chez toi ; là je te prouverai, pièce en main, que tu peux l’empêcher d’aller rue de Clichy, sous peu de temps, si tu veux être bonne fille.

— Essaie d’en faire aller d’autres que Florine, mon petit. Je suis sûre que Nathan ne peut être amoureux de personne.

— Tu voudrais me faire croire qu’il a redoublé pour toi d’attentions depuis quelque temps, mais c’est précisément ce qui prouve qu’il est très amoureux.

— D’une femme du monde, lui ?… dit Florine. Je ne m’inquiète pas pour si peu de chose.

— Hé ! bien, veux-tu le voir venir te dire qu’il ne te ramènera pas ce matin chez toi ?

— Si tu me fais dire cela, reprit Florine, je te mènerai chez moi, et nous y chercherons ces lettres auxquelles je croirai quand je les verrai : il les écrirait donc pendant que je dors ?

— Reste là, dit Félix, et regarde.

Il prit le bras de sa femme et se mit à deux pas de Florine. Bientôt Nathan, qui allait et venait dans le foyer, cherchant de tous côtés son masque comme un chien cherche son maître, revint à l’endroit où il avait reçu la confidence. En lisant sur ce front une préoccupation facile à remarquer, Florine se posa comme un Terme devant l’écrivain, et lui dit impérieusement : — Je ne veux pas que tu me quittes, j’ai des raisons pour cela.

— Marie !… dit alors par le conseil de son mari la comtesse à l’oreille de Raoul. Quelle est cette femme ? Laissez-la sur-le-champ, sortez et allez m’attendre au bas de l’escalier.

Dans cette horrible extrémité, Raoul donna une violente secousse au bras de Florine, qui ne s’attendait pas à cette manœuvre ; et