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était ornée de cruchons de bière bus la veille, lesquels paraissaient neufs et brillants au milieu de ces vieilleries et des paperasses. L’hygiène était représentée par un pot à eau couronné d’une serviette, et un morceau de savon vulgaire, blanc pailleté de bleu qui humectait le bois de rose en plusieurs endroits. Deux chapeaux également vieux étaient accrochés à un porte-manteau d’où pendait le même carrick bleu à trois collets que la comtesse avait toujours vu à Schmuke. Au bas de la fenêtre étaient trois pots de fleurs, des fleurs allemandes sans doute, et tout auprès une canne de houx. Quoique la vue et l’odorat de la comtesse fussent désagréablement affectés, le sourire et le regard de Schmuke lui cachèrent ces misères sous de célestes rayons qui firent resplendir les teintes blondes, et vivifièrent ce chaos. L’âme de cet homme divin, qui connaissait et révélait tant de choses divines, scintillait comme un soleil. Son rire si franc, si ingénu à l’aspect d’une de ses saintes Céciles, répandit les éclats de la jeunesse, de la gaieté, de l’innocence. Il versa les trésors les plus chers à l’homme, et s’en fit un manteau qui cacha sa pauvreté. Le parvenu le plus dédaigneux eût trouvé peut-être ignoble de songer au cadre où s’agitait ce magnifique apôtre de la religion musicale.

Hé bar kel hassart, izi, tchère montame la gondesse ? dit-il. Vaudile kè chè jande lei gandike té Zimion à mon ache ? Cette idée raviva son accès de rire immodéré. — Souis-che en ponne fordine ? reprit-il encore d’un air fin. Puis il se remit à rire comme un enfant. — Vis fennez pir la misik, hai non pir cin baufre ôme. Ché lei sais, dit-il d’un air mélancolique, mais fennez pir tit ce ke vi fouderesse, vis savez qu’ici tit este a visse, corpe, hâme, hai piens !

Il prit la main de la comtesse, la baisa et y mit une larme, car le bon homme était tous les jours au lendemain du bienfait. Sa joie lui avait ôté pendant un instant le souvenir, pour le lui rendre dans toute sa force. Aussitôt il prit la craie, sauta sur le fauteuil qui était devant le piano ; puis, avec une rapidité de jeune homme il écrivit sur le papier en grosses lettres : 17 février 1835. Ce mouvement si joli, si naïf, fut accompli avec une si furieuse reconnaissance, que la comtesse en fut tout émue.

— Ma sœur viendra, lui dit-elle.

L’audre auzi ! gand ? gand ? ke cé soid afant qu’il meure ! reprit-il.