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les malheurs de ma naissance. Nos amours secrets ont duré longtemps ; nous nous sommes éprouvés l’un l’autre ; nous sommes également jaloux ; nos pensées sont bien les deux éclats de la même foudre. Nous aimons tous deux pour la première fois, et ce délicieux printemps a renfermé dans ses joies toutes les scènes que l’imagination a décorées de ses plus riantes, de ses plus douces, de ses plus profondes conceptions. Le sentiment nous a prodigué ses fleurs. Chacune de ces journées a été pleine, et, quand nous nous quittions, nous nous écrivions des poèmes. Je n’ai jamais eu la pensée de ternir cette brillante saison par un désir, quoique mon âme en fût sans cesse troublée. Elle était veuve et libre, elle a merveilleusement compris toutes les flatteries de cette constante retenue ; elle en a souvent été touchée aux larmes. Tu entreverras donc, mon cher Daniel, une créature vraiment supérieure. Il n’y a pas même eu de premier baiser de l’amour : nous nous sommes craints l’un l’autre.

— Nous avons, m’a-t-elle dit, chacun une misère à nous reprocher.

— Je ne vois pas la vôtre.

— Mon mariage, a-t-elle répondu.

Vous qui êtes un grand homme, et qui aimez une des femmes les plus extraordinaires de cette aristocratie où j’ai trouvé mon Armande, ce seul mot vous suffira pour deviner cette âme et quel sera le bonheur de

Votre ami,
Marie Gaston.




L

MADAME DE L’ESTORADE À MADAME DE MACUMER.


Comment, Louise, après tous les malheurs intimes que t’a donnés une passion partagée, au sein même du mariage, tu veux vivre avec un mari dans la solitude ? Après en avoir tué un en vivant dans le monde, tu veux te mettre à l’écart pour en dévorer un autre ? Quels chagrins tu te prépares ! Mais, à la manière dont tu t’y es