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des convulsions est pour moi toujours accroupi au pied de leurs lits.

Au jour, le ramage de mes deux enfants commence avec les premiers cris des oiseaux. À travers les voiles du dernier sommeil, leurs baragouinages ressemblent aux gazouillements du matin, aux disputes des hirondelles, petits cris joyeux ou plaintifs, que j’entends moins par les oreilles que par le cœur. Pendant que Naïs essaie d’arriver à moi en opérant le passage de son berceau à mon lit en se traînant sur ses mains et faisant des pas mal assurés, Armand grimpe avec l’adresse d’un singe et m’embrasse. Ces deux petits font alors de mon lit le théâtre de leurs jeux, où la mère est à leur discrétion. La petite me tire les cheveux, veut toujours téter, et Armand défend ma poitrine comme si c’était son bien. Je ne résiste pas à certaines poses, à des rires qui partent comme des fusées et qui finissent par chasser le sommeil. On joue alors à l’ogresse, et mère ogresse mange alors de caresses cette jeune chair si blanche et si douce ; elle baise à outrance ces yeux si coquets dans leur malice, ces épaules de rose, et l’on excite de petites jalousies qui sont charmantes. Il y a des jours où j’essaie de mettre mes bas à huit heures, et où je n’en ai pas encore mis un à neuf heures.

Enfin, ma chère, on se lève. Les toilettes commencent. Je passe mon peignoir : on retrousse ses manches, on prend devant soi le tablier ciré ; je baigne et nettoie alors mes deux petites fleurs, assistée de Mary. Moi seule je suis juge du degré de chaleur ou de tiédeur de l’eau, car la température des eaux est pour la moitié dans les cris, dans les pleurs des enfants. Alors s’élèvent les flottes de papier, les petits canards de verre. Il faut amuser les enfants pour pouvoir bien les nettoyer. Si tu savais tout ce qu’il faut inventer de plaisirs à ces rois absolus pour pouvoir passer de douces éponges dans les moindres coins, tu serais effrayée de l’adresse et de l’esprit qu’exige le métier de mère accompli glorieusement. On supplie, on gronde, on promet, on devient d’une charlatanerie d’autant plus supérieure qu’elle doit être admirablement cachée. On ne saurait que devenir si à la finesse de l’enfant, Dieu n’avait opposé la finesse de la mère. Un enfant est un grand politique dont on se rend maître comme du grand politique… par ses passions. Heureusement ces anges rient de tout : une brosse qui tombe, une brique de savon qui glisse, voilà des éclats de joie ! Enfin, si les triomphes