Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, II.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les médecins, je crois. Après quatre jours et quatre nuits passés dans des alternatives et des craintes qui m’ont presque tuée, les médecins furent tous d’avis d’appliquer une affreuse pommade pour faire des plaies ! Oh ! des plaies à mon Armand qui jouait cinq jours auparavant, qui souriait, qui s’essayait à dire marraine ! Je m’y suis refusée en voulant me confier à la nature. Louis me grondait, il croyait aux médecins. Un homme est toujours homme. Mais il y a dans ces terribles maladies des instants où elles prennent la forme de la mort ; et pendant un de ces instants, ce remède, que j’abominais, me parut être le salut d’Armand. Ma Louise, la peau était si sèche, si rude, si aride, que l’onguent ne prit pas. Je me mis alors à fondre en larmes pendant si long-temps au-dessus du lit, que le chevet en fut mouillé. Les médecins dînaient, eux ! Me voyant seule, j’ai débarrassé mon enfant de tous les topiques de la médecine, je l’ai pris, quasi folle, entre mes bras, je l’ai serré contre ma poitrine, j’ai appuyé mon front à son front en priant Dieu de lui donner ma vie, tout en essayant de la lui communiquer. Je l’ai tenu pendant quelques instants ainsi, voulant mourir avec lui pour n’en être séparée ni dans la vie ni dans la mort. Ma chère, j’ai senti les membres fléchir ; la convulsion a cédé, mon enfant a remué, les sinistres et horribles couleurs ont disparu ! J’ai crié comme quand il était tombé malade, les médecins ont monté, je leur ai fait voir Armand.

— Il est sauvé ! s’est écrié le plus âgé des médecins.

Oh ! quelle parole ! quelle musique ! les cieux s’ouvraient. En effet, deux heures après, Armand renaissait ; mais j’étais anéantie, il a fallu, pour m’empêcher de faire quelque maladie, le baume de la joie. Ô mon Dieu ! par quelles douleurs attachez-vous l’enfant à sa mère ? quels clous vous nous enfoncez au cœur pour qu’il y tienne ! N’étais-je donc pas assez mère encore, moi que les bégaiements et les premiers pas de cet enfant ont fait pleurer de joie ! moi qui l’étudie pendant des heures entières pour bien accomplir mes devoirs et m’instruire au doux métier de mère ! Était-il besoin de causer ces terreurs, d’offrir ces épouvantables images à celle qui fait de son enfant une idole ? Au moment où je t’écris, notre Armand joue, il crie, il rit. Je cherche alors les causes de cette horrible maladie des enfants, en songeant que je suis grosse. Est-ce la pousse des dents ? est-ce un travail particulier qui se fait dans le cerveau ? Les enfants qui subissent des convulsions ont-ils une imperfection dans le sys-