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plications de ma mère, qui demeurait avec sa sœur et mes cousines sur le seuil de la maison.

La neige s’était remise à tomber depuis une heure ; et les arbres en étaient chargés. Les sapins pliaient sous ce lourd vêtement livide, pareils à des pyramides blanches, à d’énormes pains de sucre ; et on apercevait à peine, à travers le rideau gris des flocons menus et pressés, les arbustes plus légers, tout pâles dans l’ombre. Elle tombait si épaisse, la neige, qu’on y voyait tout juste à dix pas. Mais la lanterne jetait une grande clarté devant nous. Quand on commença à descendre par l’escalier tournant creusé dans la muraille, j’eus peur, vraiment. Il me sembla qu’on marchait derrière moi ; qu’on allait me saisir par les épaules et m’emporter ; et j’eus envie de retourner ; mais comme il fallait retraverser tout le jardin, je n’osai pas.

J’entendis qu’on ouvrait la porte sur la plaine ; puis mon oncle se mit à jurer : « Nom d’un nom, il est reparti ! Si j’aperçois seulement son ombre, je ne le rate pas, ce c…-là. »

C’était sinistre de voir la plaine, ou, plutôt, de la sentir devant soi, car on ne la voyait