Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XI.djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais on s’en douta bientôt parce qu’il marchait toujours, tant il en avait pris l’habitude.

Une autre raison avait fait naître les soupçons. Cette femme qui gardait chez elle cet inconnu passait pour juive, car on ne l’avait jamais vue à l’église.

À dix lieues aux environs on ne l’appelait que « la Juive ».

Quand les petits enfants du pays la voyaient arriver pour mendier, ils criaient :

— Maman, maman, c’est la Juive !

Le vieux et elle se mirent à errer par les pays voisins, la main tendue à toutes les portes, balbutiant des supplications dans le dos de tous les passants. On les vit à toutes les heures du jour, par les sentiers perdus, le long des villages, ou bien mangeant un morceau de pain à l’ombre d’un arbre solitaire, dans la grande chaleur du midi.

Et on commença dans la contrée à nommer le mendiant « le père Judas ».


Or, un jour, il rapporta dans sa besace deux petits cochons vivants qu’on lui avait donnés dans une ferme parce qu’il avait guéri le fermier d’un mal.

Et bientôt il cessa de mendier, tout occupé à guider ses porcs pour les nourrir, les promenant le long de l’étang, sous les chênes