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vant lui, très pâle, comme s’il eût été mort. De temps en temps elle jetait vers lui un regard brusque vite détourné. C’était un homme de trente ans, environ, fort beau, avec toute l’apparence d’un gentilhomme.

Le train courait par les ténèbres, jetait par la nuit ses appels déchirants, ralentissait parfois sa marche, puis repartait à toute vitesse. Mais soudain il calma son allure, siffla plusieurs fois et s’arrêta tout à fait.

Ivan parut à la portière afin de prendre les ordres. La comtesse Marie, la voix tremblante, considéra une dernière fois son étrange compagnon, puis elle dit à son serviteur, d’une voix brusque :

— Ivan, tu vas retourner près du comte, je n’ai plus besoin de toi.

L’homme, interdit, ouvrait des yeux énormes. Il balbutia :

— Mais… barine.

Elle reprit :

— Non, tu ne viendras pas, j’ai changé d’avis. Je veux que tu restes en Russie. Tiens, voici de l’argent pour retourner. Donne-moi ton bonnet et ton manteau.

Le vieux domestique, effaré, se décoiffa et tendit son manteau, obéissant toujours sans répondre, habitué aux volontés soudaines et