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Soyons justes toutefois, et reconnaissons que, dans la souscription volontaire, il y a un côté noble et généreux. Chacun pourrait se dire : « On fera bien sans moi ; et, quand la cause sera gagnée, elle le sera à mon profit, bien que je n’y aie pas concouru. » Voilà le calcul qu’on pourrait faire. Les Bordelais le repousseront avec dédain. Ce sera leur gloire, et ce n’est pas moi qui voudrai la méconnaître.

La souscription ne doit pas être envisagée exclusivement au point de vue matériel. Elle procure des jouissances morales dont je suis surpris qu’on ne tienne pas compte. N’est-ce rien que de s’affilier à un corps nombreux qui poursuit un grand résultat par d’honorables moyens ? Je me suis dit quelquefois que la civilisation et la diffusion des richesses amèneraient infailliblement le goût des associations philanthropiques. Lorsque le riche oisif a sitôt épuisé des jouissances matérielles, fort peu appréciables en elles-mêmes, et qui n’ont d’attrait que parce qu’elles le distinguent de la masse, quel plus satisfaisant usage pourrait-il faire de sa fortune que de s’associer à une utile entreprise ? C’est là qu’il trouvera un aliment à ses facultés, des relations agréables, du mouvement, de la vie, quelque chose qui fait circuler le sang et dilate la poitrine.

Il y avait, près de Manchester, un riche manufacturier retiré, qui vivait seul, ennuyé, et n’avait jamais voulu prendre part à aucune des nombreuses entreprises qui se font, dans cette ville, par souscription. La Ligue tenait à voir figurer son nom dans ses rôles ; car c’était le témoignage le plus frappant qu’elle pût donner de la sympathie qu’elle excitait dans le pays. Elle lui décocha M. Bright, le meilleur négociateur en ce genre qu’elle pût choisir ; car, selon lui, demander pour la Ligue, ce n’était pas demander. Après beaucoup d’objections, il obtint de l’avare quatre