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berté, elle la demande à la droite, à la gauche et aux centres, mais sans rien promettre en retour, car elle n’a rien à donner ; et son influence, si jamais elle a une influence, appartient exclusivement à son principe. La force éphémère d’un parti, c’est un auxiliaire qu’elle dédaigne ; et, quant à elle, elle ne veut être l’instrument d’aucun parti. Elle n’est pas née, nul ne saurait dire ce qu’elle sera, mais j’ose prédire ce qu’elle ne sera jamais ; elle ne sera pas le piédestal d’un ministre en titre, ni le marchepied d’un ministre en expectative, car le jour où elle se laisserait absorber par un parti, ce jour-là on la chercherait en vain, elle se serait dissipée comme une fumée.

4o La plus grande difficulté, en apparence, que puisse rencontrer la formation d’une Ligue, c’est la question de personnes. Il n’est pas possible qu’un corps gigantesque, travaillant à une œuvre immense, à travers une multitude d’oppositions extérieures et peut-être de rivalités intestines, puisse se dispenser d’obéir à une impulsion unique et pour ainsi dire à une omnipotence volontairement déléguée. Mais qui sera le dépositaire de cette puissance morale ? On est justement effrayé quand on songe aux qualités éminentes et presque inconciliables que suppose un tel rôle. Tête froide, cœur de feu, main ferme, formes attachantes, connaissances étendues, coup d’œil sûr, talent oratoire, dévouement sans bornes, abnégation entière ; voilà ce qu’il faudrait trouver dans un seul homme, et de plus ce charme magnétique qui pétrifie l’envie et désarme les amours-propres.

Eh bien ! cette difficulté n’en est pas une. Si les temps sont mûrs en France pour l’agitation commerciale, l’homme de la Ligue surgira. Jamais grande cause n’a failli faute d’un homme. Pour qu’il se trouve, il suffit qu’on ne se préoccupe pas trop de le chercher. Y a-t-il quelqu’un que sa position seule place naturellement à notre tête et consent-il à être notre chef ? acceptons-le par acclamation et acceptons aussi