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M. AL. DE LAMARTINE[1].


Mugron, le 7 mars 1845.

Monsieur,

Une absence m’a empêché de venir vous exprimer plus tôt la profonde gratitude que m’a fait éprouver l’accueil que vous avez daigné faire à la lettre que je me suis permis de vous adresser par la voie du Journal des économistes. Celle que vous avez bien voulu m’écrire m’est bien précieuse, et je la conserverai toujours, non seulement à cause de ce charme inimitable que vous avez su y répandre, mais encore et surtout comme un témoignage de la bienveillante condescendance avec laquelle vous encouragez les premiers essais d’un novice qui n’a pas craint de signaler dans vos admirables écrits quelques propositions qu’il considère comme des erreurs échappées à votre génie.

Peut-être ai-je été trop loin en réclamant de vous cette rigueur d’analyse, cette exactitude de dissection qui explore le champ des découvertes, mais ne saurait l’agrandir. Toutes les facultés humaines ont leur mission ; c’est au génie de s’élever à de nouveaux horizons et de les signaler à la foule. Ces horizons sont vagues d’abord, la réalité et l’illusion s’y confondent ; et le rôle des analystes est de venir après coup mesurer, peser, distinguer. C’est ainsi que Colomb révèle un monde. S’informe-t-on s’il en a relevé toutes les côtes et tracé tous les contours ? Qu’importe même qu’il ait cru aborder au Cathay ?… D’autres sont venus ; ouvriers patients

  1. La lettre à laquelle Bastiat répond lui avait été adressée à propos de l’article du Journal des Économistes, intitulé : Un économiste à M. de Lamartine. (Voir t. Ier, p. 406. (Note de l’éditeur.)