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à ceux de ses collègues qui se sont associés à son entreprise.

Les conséquences de cette organisation sautent aux yeux. La Chambre n’est plus une assemblée de Gouvernés, qui viennent prendre connaissance des mesures projetées par les Gouvernants, pour admettre, modifier, ou rejeter ces mesures, selon l’intérêt public qu’ils représentent ; c’est une arène où l’on se dispute le Pouvoir qui est mis au concours et dépend d’un scrutin.

Donc, pour renverser le Ministère, il suffit de lui enlever la majorité ; pour lui enlever la majorité, il faut le déconsidérer, le dépopulariser, l’avilir. La Loi elle-même, combinée avec l’irrémédiable faiblesse du cœur humain, a arrangé les choses ainsi. M. Guizot aura beau s’écrier : « N’apprendrons-nous jamais à nous attaquer, à nous combattre, à nous renverser, sans nous imputer des motifs honteux ! » j’avoue que ces plaintes me semblent puériles. — Vous admettez que vos adversaires aspirent à vous remplacer, et vous avez la bonhomie de leur conseiller de négliger les moyens de réussir ! — À cet égard, M. Guizot, chef d’opposition, fera contre M. Thiers, Ministre, ce que M. Guizot, Ministre, reproche à M. Thiers, chef d’opposition.

Nous devons donc admettre que notre mécanisme représentatif est organisé de telle sorte que, l’opposition et toutes les oppositions réunies n’ont et ne peuvent avoir qu’un seul but : Avilir le ministère, quel qu’il soit, pour le renverser le remplacer.

Or le plus sûr moyen, en France, d’avilir le Pouvoir, c’est de le représenter comme traître, comme lâche, comme dévoué à l’étranger, comme oublieux de l’honneur national. Ce fut, contre M. Molé, la tactique de M. Guizot coalisé avec les légitimistes et les Républicains ; c’est, contre M. Guizot, la tactique de M. Thiers, coalisé avec les Républicains et les légitimistes. L’un se servait d’Ancône comme l’autre se sert de Taïti.