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industries, ils ne peuvent pas être opprimés ; car, s’ils l’étaient, ils prendraient aussi de la terre. Mais quand tout le territoire est possédé et que la population continue à s’accroître, les nouveaux venus ne seront-ils pas les esclaves des propriétaires, si ceux-ci s’arrogent le droit exclusif de vendre du blé ? Est-ce qu’une telle prétention n’est pas inique et de nature à ébranler dans les esprits le principe même de la propriété ? Représentants de Paris, déciderez-vous qu’un Français, né après que tout le territoire est possédé, n’a pas le droit de tirer au moins parti de ses facultés, en échangeant son travail contre des aliments étrangers ? N’est-il pas évident d’ailleurs que cette liberté a pour conséquence de retenir la valeur des terres et de leurs produits dans des limites justes et naturelles, et de ne pas leur laisser acquérir une valeur exagérée, factice, précaire, et par là dangereuse pour le propriétaire lui-même ?

On vous dit que chacun est à la fois producteur et consommateur. C’est possible. Nous ne voulons pas discuter ici cette assertion. Mais ce qui est certain, c’est que, sous le régime restrictif, chacun est consommateur payant tribut à ce régime ; tandis que si chacun est producteur, chacun n’est pas du moins producteur protégé. Veuillez, Messieurs, faire le classement des habitants de Paris par métiers et professions ; nous osons affirmer que vous n’en trouverez pas un vingtième, peut-être un centième, parmi les participants aux faveurs de la douane.

Nos adversaires mettent beaucoup d’application à insinuer qu’il s’agit ici d’une question anglaise. Ce qui précède suffit pour montrer qu’elle est française et très française. La question est de savoir si la liberté et l’industrie d’un Français seront sacrifiées aux convenances d’un autre Français.

Après cela, nous ne craignons pas de les suivre sur le terrain étranger.