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tème, il y a cette fameuse et triste maxime : Le profit de l’un est le dommage de l’autre.

Cependant, il faut exporter, c’est la condition du progrès. Mais comment faire, puisque personne ne veut recevoir ? Il n’y a qu’un moyen, la force. Il ne s’agit que de conquérir des consommateurs. Ce système pousse donc logiquement à l’usurpation, à la conquête ; et remarquez qu’il y pousse tous les peuples à la fois.

En définitive, c’est le droit du plus fort ou du plus rusé. La politique des peuples est toute tracée. Emparons-nous d’une île, puis d’une seconde, puis d’une troisième, puis d’un continent, et, en même temps, forçons les habitants à consommer exclusivement nos produits.

Voila le monde, Messieurs, sous le régime prohibitif, si on le suppose conséquent avec lui-même, et il faut que j’aie le jugement bien faussé si ce système n’implique pas que la guerre est l’état naturel de l’homme.

On me dira sans doute : « Mais le monde est sous l’empire du régime restrictif, et cependant nous ne le voyons pas en proie à une guerre universelle. Il vient de traverser quarante années de paix. »

Oui ; mais pourquoi ? Parce que tous les peuples ne peuvent pas être à la fois les plus forts. Il y en a un à qui la prédominance reste. Celui-là s’empare de tout ce dont il peut s’emparer sans trop de danger ; il étend ses conquêtes en Asie, en Afrique, en Amérique, dans les archipels de la Méditerranée comme dans les archipels du grand Océan. Quant aux autres, qu’ils ne se fassent pas illusion, ce n’est pas l’envie qui leur manque, c’est la force. L’Espagne et le Portugal n’ont-ils pas étendu leur domination autant qu’ils l’ont pu ? La Hollande n’a-t-elle pas disputé à l’Angleterre l’Inde, Ceylan et le cap de Bonne-Espérance ? Nous-mêmes, est-ce volontairement que nous sommes réduits à la Martinique et à Bourbon ? que nous avons cédé le Canada, l’île