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Comment donc se fait-il que, lorsque je mets mes forces, tout insuffisantes qu’elles sont, au service d’une liberté, de la plus précieuse des libertés pour l’homme du peuple, de la liberté du travail et de l’échange, je rencontre sur mon chemin le parti démocratique ?

C’est que ce parti se trompe, et ceux qui le mènent le trompent.

Je dis que ceux qui le mènent le trompent, et je m’explique. Loin de moi la pensée que les hommes du parti démocratique manquent en cette circonstance de sincérité. Je ne crois pas qu’il y ait un homme sur la terre moins disposé que moi à imputer des motifs coupables. J’ai assez réfléchi sur les objets qui divisent les hommes pour savoir ce qu’il y a de spécieux dans les opinions les plus diverses ; et dès lors, quand on ne partage pas la mienne, je ne me permets pas de supposer d’autre motif qu’une conviction, selon moi égarée, mais sincère.

Mais lorsqu’un homme me déclare que j’ai raison en principe, et que néanmoins il fait à ce principe une guerre sourde et incessante, alors je me dis : Cet homme s’écarte de toutes les règles de logique et de moralité qui dirigent les actions humaines ; il va au-devant de toutes les interprétations ; il me donne le droit de rechercher le secret mobile qui détermine chez lui un tel excès d’inconséquence avouée.

Cette inconséquence, je l’ai entendu expliquer ainsi et j’avoue que tout mon être répugne à cette explication. On attribuait aux roués du parti démocratique ce calcul odieux :

« Le peuple souffre, et sous le régime restrictif, ses souffrances ne peuvent qu’augmenter. De plus, il ignore la cause de ses souffrances, et nous pouvons facilement tourner sa haine contre ce qui nous déplaît. Il est dans la condition la plus favorable pour devenir en nos mains un instrument de perturbation. Notre rôle est de l’aigrir, et non de l’éclairer. Au contraire, faisons la guerre à ceux