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vous ? répond celui-ci. — Que vous importe, pourvu que je vous paye en monnaie française ? — Il m’importe que si vous êtes Français, le navire vous coûtera 300,000 francs, si vous êtes Génois, vous l’aurez pour 250,000. — Comment cela se peut-il ? dit l’acquéreur qui était Français. — Oh ! dit le vendeur, vous êtes protégé, c’est un avantage qu’il faut payer. — En conséquence, les Génois naviguent avec des navires de 250,000 francs, et les Français avec des navires de 300,000 francs, tous construits par des Français et en France.

Vous voyez, Messieurs, les résultats de ce système pour toutes nos industries. À supposer, comme on le dit, qu’elles soient dans un état d’infériorité, il ne fait qu’accroître cette infériorité. C’est certes le plus absurde remède qu’on puisse imaginer.

Mais voyons maintenant son effet sur l’ouvrier.

Puisque sur le capital national, il faut prélever une plus grande part pour chaque entreprise industrielle, agricole ou commerciale, le résultat définitif et nécessaire est une diminution dans le nombre des entreprises. Une foule d’entreprises ne se font pas parce qu’un capital national déterminé ne peut faire face à un même nombre d’entreprises, toutes plus dispendieuses, et aussi parce que souvent la convenance cesse. Telle opération qui pouvait présenter du bénéfice avec un capital de 300,000 francs, offre de la perte s’il faut un capital de 400,000 francs.

Or la réduction dans le nombre des entreprises, c’est la réduction dans la demande de la main-d’œuvre ou dans les salaires.

Ainsi ce système a pour les ouvriers deux conséquences aussi tristes l’une que l’autre. D’un côté, il grève d’une cherté factice leurs aliments, leurs vêtements, leurs outils et tous les objets de leur consommation. De l’autre, il répartit le capital national sur un moins grand nombre d’en-