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diteurs. » Pour moi, je me suis aperçu que ce qui préoccupe la plupart des hommes, dans l’opposition qu’ils font au libre-échange, ce n’est pas autant leurs intérêts privés que l’intérêt général. Cela est vrai surtout dans les villes de commerce. Là on comprend parfaitement que la liberté des échanges en multiplierait le nombre. Plus d’échanges, c’est plus de consignations, de commissions, de transports, de fret, de négociations, de courtages, de magasinages ; c’est plus d’affaires, plus de travail pour toutes les classes de la population. Si, malgré ces avantages évidents, les villes de commerce sont lentes à se rallier à notre cause, il faut bien qu’elles soient retenues par des considérations d’un autre ordre. Elles peuvent se tromper, je crois sincèrement qu’elles se trompent ; mais leur erreur même témoigne hautement qu’elles ne cèdent pas à un sentiment égoïste ainsi qu’on le répète sans cesse.

Si je voulais prendre mes démonstrations dans des circonstances locales, quelle ville pourrait m’en fournir de plus puissantes ? Ces jours-ci je considérais l’Océan de la pointe de Latalaye. Je voyais, à ma droite, la côte de France dans la direction de Bordeaux, et, à ma gauche, la côte d’Espagne jusqu’au cap Saint-Vincent. Je me disais : Est-il possible que cette économie politique soit la vraie qui nous enseigne que tous les échanges que Bayonne fait avec une de ces côtes sont d’une nature différente de ceux qu’elle fait avec l’autre ? Je voyais l’embouchure de la Bidassoa et je me disais : Quoi ! tous les hommes qui vivent sur la rive gauche de ce ruisseau ont avantage à échanger vers le couchant, et ils ne pourront échanger vers le levant sans se nuire à eux-mêmes ! Ce sera précisément le contraire pour ceux qui sont nés sur la rive droite ! Les uns et les autres devront s’estimer heureux que la loi soit venue détruire ces facilités de transactions que la rivière et la mer leur ont préparées ! Me tournant vers l’embouchure de l’Adour, je