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nous l’a faite. Cent lettres sont jetées à la poste. Chacune d’elles peut appartenir, pour la distance, à onze zones et pour le poids à neuf classes, ce qui élève le nombre des combinaisons à quatre-vingt-dix-neuf pour chaque lettre, et voilà M. le directeur, consultant tour à tour son tableau et sa balance, réduit à faire 9,900 recherches en quelques minutes. Après cela il constatera le poids sur un coin et la taxe au beau milieu des adresses.

Faut-il affranchir ? Il recevra l’argent, donnera la monnaie, inscrira l’adresse sur je ne sais combien de registres, enveloppera la lettre dans un bulletin qui relate, pour la troisième ou la quatrième fois, le nom du destinataire, le lieu du départ, le lieu de l’arrivée, le poids, la taxe, le numéro.

Puis vient la distribution ; autres comptes interminables entre le directeur et le facteur, le facteur et le destinataire, et toujours contrôle sur contrôle, paperasse sur paperasse.

Que dirai-je du travail qu’occasionnent les rebuts ; et les trop taxés, et les moins taxés, et cette comptabilité générale, chef-d’œuvre de complication, destinée, et il le faut bien, à s’assurer la fidélité des agents de tous grades ?

N’est-il pas singulier qu’on prodigue des millions pour faire gagner aux malles une heure de vitesse, et qu’on prodigue d’autres millions pour faire perdre cette heure aux distributeurs ?

Avec l’affranchissement obligatoire, toutes ces lenteurs, toutes ces complications, toutes ces paperasses, tous ces rebuts, les plus trouvés, les moins trouvés, les tris, les taxes, cette comptabilité prodigieuse en matière et en finances, tout cela disparaît tout à coup. La poste et l’enregistrement vendent des enveloppes et des timbres à 5 ou 10 centimes, et tout est dit.

On objectera qu’il y aurait de l’arbitraire à priver l’envoyeur de la faculté de faire partir une lettre non affranchie.