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forces que nous fournit la nature. La gravitation, l’élasticité des gaz, la puissance des vents, les lois de l’équilibre, la vie végétale, la vie animale, ce sont autant de forces que nous apprenons à faire tourner à notre avantage. La peine, l’intelligence que nous dépensons pour cela sont toujours susceptibles de rémunération, car nous ne pouvons être tenus de consacrer gratuitement nos efforts à l’avantage d’autrui. Mais ces forces naturelles, considérées en elles-mêmes, et abstraction faite de tout travail intellectuel ou musculaire, sont des dons gratuits de la Providence ; et, à ce titre, elles restent sans valeur à travers toutes les complications des transactions humaines. C’est la pensée dominante de cet écrit.

Cette observation aurait peu d’importance, je l’avoue, si la coopération naturelle était constamment uniforme, si chaque homme, en tous temps, en tous lieux, en toutes circonstances, recevait de la nature un concours toujours égal, invariable. En ce cas, la science serait excusable de ne pas tenir compte d’un élément qui, restant toujours et partout le même, affecterait les services échangés dans des proportions exactes de toutes parts. Comme on élimine, en géométrie, les portions de lignes communes aux deux figures comparées, elle pourrait négliger cette coopération immuablement présente, et se contenter de dire, ainsi qu’elle l’a fait jusqu’ici : « Il y a des richesses naturelles ; l’économie politique le constate une fois pour toutes et ne s’en occupe plus. »

Mais les choses ne se passent pas ainsi. La tendance invincible de l’intelligence humaine, en cela stimulée par l’intérêt et secondée par la série des découvertes, est de substituer le concours naturel et gratuit au concours humain et onéreux, de telle sorte qu’une utilité donné, quoique restant la même quand à son résultat, quant à la satisfaction qu’elle procure, répond cependant à un travail de plus en