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est bien bizarre, et je me demande combien de temps la vogue peut soutenir un tel tissu de puérilités.

Tout en lui est affectation.

Il affecte des formes et un langage scientifiques, et nous avons vu où il en est de la science.

Il affecte dans ses écrits une délicatesse de nerfs si féminine qu’il ne peut entendre parler de souffrances sociales. En même temps qu’il a introduit dans la littérature la mode de cette fade sensiblerie, il a fait prévaloir dans les arts le goût du trivial et le l’horrible ; — dans la tenue, la mode des épouvantails, la longue barbe, la physionomie refrognée, des airs de Titan ou de Prométhée bourgeois ; dans la politique (ce qui est un enfantillage moins innocent), c’est la doctrine des moyens énergiques de transition, les violences de la pratique révolutionnaire, la vie et les intérêts matériels sacrifiés en masse à l’idée. Mais ce que le socialisme affecte surtout, c’est la religiosité ! Ce n’est qu’une tactique, il est vrai, mais une tactique est toujours honteuse pour une école quand elle l’entraîne vers l’hypocrisie.

Ils nous parlent toujours du Christ, de Christ ; mais je leur demanderai pourquoi ils approuvent que Christ, l’innocent par excellence, ait pu souffrir et s’écrier dans son angoisse : « Dieu, détournez de moi le calice, mais que votre volonté soit faite ; » — et pourquoi ils trouvent étrange que l’humanité tout entière ait aussi à faire le même acte de résignation.

Assurément, si Dieu eût eu d’autres desseins sur l’humanité, il aurait pu arranger les choses de telle sorte que, comme l’individu s’avance vers une mort inévitable, elle marchât vers une destruction fatale. Il faudrait bien se soumettre, et la science, la malédiction ou la bénédiction sur les lèvres, serait bien tenue de constater le sombre dénoûment social, comme elle constate le triste dénoûment individuel.