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et de maux, en proportions variables. Qu’on nous permette d’appeler vicieux les actes qui produisent plus de maux que de biens, et vertueux ceux qui engendrent plus de biens que de maux.

Quand un de nos actes produit une première conséquence qui nous agrée, suivie de plusieurs autres conséquences qui nuisent, de telle sorte que la somme des maux l’emporte sur celle des biens, cet acte tend à se restreindre et à disparaître à mesure que nous acquérons plus de prévoyance.

Les hommes aperçoivent naturellement les conséquences immédiates avant les conséquences éloignées. D’où il suit que ce que nous avons appelé les actes vicieux sont plus multipliés dans les temps d’ignorance. Or la répétition des mêmes actes forme les habitudes. Les siècles d’ignorance sont donc le règne des mauvaises habitudes.

Par suite, c’est encore le règne des mauvaises lois, car les actes répétés, les habitudes générales constituent les mœurs sur lesquelles se modèlent les lois, et dont elles sont, pour ainsi parler, l’expression officielle.

Comment cesse cette ignorance ? Comment les hommes apprennent-ils à connaître les secondes, les troisièmes et jusqu’aux dernières conséquences de leurs actes et de leurs habitudes ?

Ils ont pour cela un premier moyen : c’est l’application de cette faculté de discerner et de raisonner qu’ils tiennent de la Providence.

Mais il est un moyen plus sûr, plus efficace, c’est l’expérience. — Quand l’acte est commis, les conséquences arrivent fatalement. La première est bonne, on le savait, c’est justement pour l’obtenir qu’on s’est livré à l’acte. Mais la seconde inflige une souffrance, la troisième une souffrance plus grande encore, et ainsi de suite.

Alors les yeux s’ouvrent, la lumière se fait. On ne renou-