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Depuis la première enfance jusqu’à l’extrême vieillesse, notre vie n’est qu’un long apprentissage. Nous apprenons à marcher à force de tomber ; nous apprenons par des expériences rudes et réitérées à éviter le chaud, le froid, la faim, la soif, les excès. Ne nous plaignons pas de ce que les expériences sont rudes ; si elles ne l’étaient pas, elles ne nous apprendraient rien.

Il en est de même dans l’ordre moral. Ce sont les tristes conséquences de la cruauté, de l’injustice, de la peur, de la violence, de la fourberie, de la paresse, qui nous apprennent à être doux, justes, braves, modérés, vrais et laborieux. L’expérience est longue ; elle durera même toujours, mais elle est efficace.

L’homme étant fait ainsi, il est impossible de ne pas reconnaître dans la responsabilité le ressort auquel est confié spécialement le progrès social. C’est le creuset où s’élabore l’expérience. Ceux donc qui croient à la supériorité des temps passés, comme ceux qui désespèrent de l’avenir, tombent dans la contradiction la plus manifeste. Sans s’en apercevoir, ils préconisent l’erreur, ils calomnient la lumière. C’est comme s’ils disaient : « Plus j’ai appris, moins je sais ; plus je discerne ce qui peut me nuire, plus je m’y exposerai. » Si l’humanité était constituée sur une telle donnée, il y a longtemps qu’elle eût cessé d’exister.

Le point de départ de l’homme c’est l’ignorance et l’inexpérience ; plus nous remontons la chaîne des temps, plus nous le rencontrons dépourvu de cette lumière propre à guider ses choix et qui ne s’acquiert que par un de ces moyens : la réflexion ou l’expérimentation.

Or il arrive que chaque acte humain renferme non une conséquence, mais une série de conséquences. Quelquefois la première est bonne et les autres mauvaises ; quelquefois la première est mauvaise et les autres bonnes. D’une détermination humaine il peut sortir des combinaisons de biens