Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/603

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toujours, à un degré quelconque, l’imperfection dans l’avenir comme dans le passé. Si l’homme pouvait jamais entrer dans cette terre promise du Bien absolu, il n’aurait que faire de son intelligence, de ses sens, il ne serait plus l’homme.

Le Mal existe. Il est inhérent à l’infirmité humaine ; il se manifeste dans l’ordre moral comme dans l’ordre matériel, dans la masse comme dans l’individu, dans le tout comme dans la partie. Parce que l’œil peut souffrir et s’éteindre, le physiologiste méconnaîtra-t-il l’harmonieux mécanisme de cet admirable appareil ? Niera-t-il l’ingénieuse structure du corps humain, parce que ce corps est sujet à la douleur, à la maladie, à la mort, et parce que le Psalmiste, dans son désespoir, a pu s’écrier : « Ô tombe, vous êtes ma mère ! Vers du sépulcre, vous êtes mes frères et mes sœurs ! » — De même, parce que l’ordre social n’amènera jamais l’humanité au fantastique port du bien absolu, l’économiste refusera-t-il de reconnaître ce que cet ordre social présente de merveilleux dans son organisation, préparée en vue d’une diffusion toujours croissante de lumières, de moralité et de bonheur ?


Chose étrange, qu’on conteste à la science économique le droit d’admiration qu’on accorde à la physiologie ! Car, après tout, quelle différence, au point de vue de l’harmonie, dans les causes finales, entre l’être individuel et l’être collectif ! — Sans doute l’individu naît, grandit, se développe, s’embellit, se perfectionne, sous l’influence de la vie, jusqu’à ce que soit venu le moment où d’autres flambeaux s’allumeront à ce flambeau. À ce moment tout en lui revêt les couleurs de la beauté ; tout en lui respire la joie et la grâce ; il est tout expansion, affection, bienveillance, amour, harmonie. Puis, pendant quelque temps encore, son intelligence s’élargit et s’affermit, comme pour guider, dans les