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dain des occupations serviles, l’élévation de leurs sentiments et de leurs pensées ; nous affirmons, d’un ton déclamatoire, qu’à une certaine époque les peuples ne s’occupaient que de gloire, à une autre d’arts, à une autre de philosophie, à une autre de religion, à une autre de vertus ; nous pleurons sincèrement sur nous-mêmes, nous nous adressons toutes sortes de sarcasmes de ce que, malgré de si sublimes modèles, ne pouvant nous élever à une telle hauteur, nous sommes réduits à donner au travail, ainsi qu’à tous les mérites vulgaires qu’il implique, une place considérable dans notre vie moderne.

Consolons-nous en pensant qu’il occupait une place non moins large dans la vie antique : Seulement, celui dont quelques hommes s’étaient affranchis retombait d’un poids accablant sur les multitudes assujetties, au grand détriment de la justice, de la liberté, de la propriété, de la richesse, de l’égalité, du progrès ; et c’est la première des causes perturbatrices que j’ai à signaler au lecteur.

Les procédés par lesquels les hommes se procurent des moyens d’existence ne peuvent donc manquer d’exercer une grande influence sur leur condition physique, morale, intellectuelle, économique et politique. Qui doute que si l’on pouvait observer plusieurs peuplades dont l’une fût exclusivement vouée à la chasse, une autre à la pêche, une troisième à l’agriculture, une quatrième à la navigation, qui doute que ces peuplades ne présentassent des différences considérables dans leurs idées, leurs opinions, leurs usages, leurs coutumes, leurs mœurs, leurs lois, leur religion ? Sans doute le fond de la nature humaine se retrouverait partout ; aussi dans ces lois, ces usages, ces religions il y aurait des points communs, et je crois bien que ce sont ces points communs qu’on peut appeler les lois générales de l’humanité.

Quoi qu’il en soit, dans nos grandes sociétés modernes,