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loi qui substitue la force publique à la sienne, et me soumette, à mes propres frais, à cette injuste interdiction. Sous ce rapport, quel triste spectacle offre maintenant la France ! Toutes les classes souffrent, et, au lieu de demander l’anéantissement, à tout jamais, de toute spoliation légale, chacune se tourne vers la loi, lui disant : « Vous qui pouvez tout, vous qui disposez de la Force, vous qui convertissez le mal en bien, de grâce, spoliez les autres classes à mon profit. Forcez-les à s’adresser à moi pour leurs achats, ou bien à me payer des primes, ou bien à me donner l’instruction gratuite, ou bien à me prêter sans intérêts, etc, etc…. » C’est ainsi que la loi devient une grande école de démoralisation ; et si quelque chose doit nous surprendre, c’est que le penchant au vol individuel ne fasse pas plus de progrès, quand le sens moral des peuples est ainsi perverti par leur législation même.

Ce qu’il y a de plus déplorable, c’est que la spoliation, quand elle s’exerce ainsi à l’aide de la loi, sans qu’aucun scrupule individuel lui fasse obstacle, finit par devenir toute une savante théorie qui a ses professeurs, ses journaux, ses docteurs, ses législateurs, ses sophismes, ses subtilités. Parmi les arguties traditionnelles qu’on fait valoir en sa faveur, il est bon de discerner celle-ci : Toutes choses égales d’ailleurs, un accroissement de demande est un bien pour ceux qui ont un service à offrir ; puisque ce nouveau rapport entre une demande plus active et une offre stationnaire est ce qui augmente la valeur du service. De là on tire cette conclusion : La spoliation est avantageuse à tout le monde : à la classe spoliatrice qu’elle enrichit directement, aux classes spoliées qu’elle enrichit par ricochet. En effet, la classe spoliatrice, devenue plus riche, est en mesure d’étendre le cercle de ses jouissances. Elle ne le peut sans demander, dans une plus grande proportion, les services des classes spoliées. Or, relativement à tout service, accroissement de de-