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pour sacrifier la liberté, mais pour la faire respecter.

De telle sorte que cet axiome, qu’on a donné pour base à la science politique, déjà faux de la société, l’est encore du gouvernement. C’est toujours avec bonheur que je vois ces tristes discordances théoriques disparaître devant un examen approfondi.

Dans quel cas l’emploi de la force est-il légitime ? Il y en a un, et je crois qu’il n’y en a qu’un : le cas de légitime défense. S’il en est ainsi, la raison d’être des gouvernements est trouvée, ainsi que leur limite rationnelle[1].

Quel est le droit de l’individu ? C’est de faire avec ses semblables des transactions libres, d’où suit pour ceux-ci un droit réciproque. Quand est-ce que ce droit est violé ? Quand l’une des parties entreprend sur la liberté de l’autre. En ce cas il est faux de dire, comme on le fait souvent : « Il y a des excès, abus de liberté. » Il faut dire : « Il y a défaut, destruction de liberté. » Excès de liberté sans doute si on ne regarde que l’agresseur ; destruction de liberté si l’on regarde la victime, ou même si l’on considère, comme on le doit, l’ensemble du phénomène.

Le droit de celui dont on attaque la liberté, ou, ce qui revient au même, la propriété, les facultés, le travail, est de les défendre même par la force ; et c’est ce que font tous les hommes, partout et toujours quand ils le peuvent.

De là découle, pour un nombre d’hommes quelconque, le droit de se concerter, de s’associer, pour défendre, même par la force commune, les libertés et les propriétés individuelles.

Mais l’individu n’a pas le droit d’employer la force à une autre fin. Je ne puis légitimement forcer mes semblables à

  1. L’auteur, dans un de ses précédents articles, s’est proposé de résoudre la même question. Il a reherché quel était le légitime domaine de la loi. Tous les développements que contient le pamphlet intitulé la Loi s’appliquent à sa thèse actuelle. Nous renvoyons le lecteur au tome IV, page 342. (Note de l’éditeur.)