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s’échangent les travaux de diverses natures, le travail brut s’offre en plus grande abondance relative que le travail intelligent, ce qui explique la persistance de cette inégalité des conditions, que tant et de si puissantes causes d’un autre ordre tendent incessamment à effacer.

La théorie que nous venons d’exposer succinctement conduit à ce résultat pratique, que les meilleures formes de la philanthropie, les meilleures institutions sociales sont celles qui, agissant dans le sens du plan providentiel tel que les harmonies sociales nous le révèlent, à savoir, l’égalité dans le progrès, font descendre dans toutes les couches de l’humanité, et spécialement dans la dernière, la connaissance, la raison, la moralité, la prévoyance.

Nous disons les institutions, parce qu’en effet, la prévoyance résulte autant des nécessités de position que de délibérations purement intellectuelles. Il est telle organisation de la propriété, ou, pour mieux dire, de l’exploitation, qui favorise plus qu’une autre ce que les économistes nomment la connaissance du marché et, par conséquent, la prévoyance. Il paraît certain, par exemple, que le métayage est beaucoup plus efficace que le fermage[1] pour opposer l’obstacle préventif à l’exubérance de la population dans la classe inférieure. Une famille de métayers est beaucoup mieux en mesure qu’une famille de journaliers de sentir les inconvénients des mariages précoces et d’une multiplication désordonnée.

Nous disons encore les formes de la philanthropie. En effet, l’aumône peut faire un bien actuel et local, mais elle ne peut avoir qu’une influence bien restreinte, si même elle n’est funeste, sur le bien-être de la classe laborieuse ; car elle ne développe pas, peut-être même paralyse-t-elle la vertu la plus propre à élever cette classe, la prévoyance. Propa-

  1. Qui nécessite la classe des journaliers.