Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/528

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Est-il possible de nier que, abstraction faite de toute prévoyance et de toute moralité, il n’y ait assez d’attrait dans le rapprochement des sexes pour le déterminer, dans notre espèce comme dans toutes, dès la première apparition de la puberté ? Si on la fixe à seize ans, et si les actes de l’état civil prouvent qu’on ne se marie pas, dans un pays donné, avant vingt-quatre ans, ce sont donc huit années soustraites par la partie morale et préventive de la loi de limitation à l’action de la loi de la multiplication ; et, si l’on ajoute à ce chiffre ce qu’il faut attribuer au célibat absolu, on restera convaincu que l’humanité intelligente n’a pas été traitée par le Créateur comme l’animalité brutale, et qu’il est en sa puissance de transformer la limitation répressive en limitation préventive.

Il est assez singulier que l’école spiritualiste et l’école matérialiste aient, pour ainsi dire, changé de rôle dans cette grande question : la première, tonnant contre la prévoyance, s’efforce de faire prédominer le principe brutal ; la seconde, exaltant la partie morale de l’homme, recommande l’empire de la raison sur les passions et les appétits.

C’est qu’il y a en tout ceci un véritable malentendu. Qu’un père de famille consulte, pour la direction de sa maison, le prêtre le plus orthodoxe ; assurément il en recevra, pour le cas particulier, des conseils entièrement conformes aux idées que la science érige en principes, et que ce même prêtre repousse comme tels. « Cachez votre fille, dira le vieux prêtre ; dérobez-la le plus que vous pourrez aux séductions du monde ; cultivez, comme une fleur précieuse, la sainte ignorance, la céleste pudeur qui font à la fois son charme et sa défense. Attendez qu’un parti honnête et sortable se présente ; travaillez cependant, mettez-vous à même de lui assurer un sort convenable. Songez que le mariage, dans la pauvreté, entraîne beaucoup de souffrances et encore plus de dangers. Rappelez-vous ces vieux prover-