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Mais, pour en revenir aux effets économiques de l’épargne, maintenant que nous connaissons tous les détails de ce phénomène, il est bien évident qu’il ne porte aucune atteinte à l’activité générale, au travail humain. Alors même que celui qui réalise l’économie et qui, en échange des services rendus, reçoit des écus, alors même, dis-je, qu’il entasserait des écus les uns sur les autres, il ne ferait aucun tort à la société, puisqu’il n’a pu retirer de son sein ces valeurs qu’en y versant des valeurs équivalentes. J’ajoute que cet entassement est invraisemblable, exceptionnel, anormal, puisqu’il blesse l’intérêt personnel de ceux qui voudraient le pratiquer. Entre les mains d’un homme, les écus signifient : « Celui qui nous possède a rendu des services à la société et n’en a pas été payé. La société nous a remis entre ses mains pour lui servir de titre. Nous sommes à la fois une reconnaissance, une promesse et une garantie. Le jour où il voudra, il pourra, en nous exhibant et restituant, retirer du milieu social les services dont il est créancier. »

Or cet homme n’est pas pressé. Sensuit-il qu’il conservera ses écus ? Non, puisque, nous l’avons vu, le laps de temps qui sépare deux services échangés devient lui-même matière à transaction. Si notre économe a l’intention de rester dix ans sans retirer de la Société les services qui lui sont dus, son intérêt est de se substituer un représentant, afin d’ajouter à la valeur dont il est créancier la valeur de ce service spécial. — L’épargne n’implique donc en aucune façon entassement matériel.

Que les moralistes ne soient plus arrêtés par cette considération. . . . . . .