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est certainement hors de doute ; et l’on peut affirmer, sans crainte de se tromper, qu’à chaque période de dix ans, par exemple, une quantité donnée de travail accomplira, dans la plupart des cas, de plus grands résultats que ne pouvait le faire la même quantité de travail à la période décennale précédente.

Et quelle est la conclusion à tirer de là  ? C’est que le travail antérieur va toujours se détériorant relativement au travail actuel ; c’est que dans l’échange, sans nulle injustice, et pour réaliser l’équivalence des services, il faut que le premier donne au second plus d’heures qu’il n’en reçoit. C’est là une conséquence forcée du progrès.

Vous me dites : « Voici une machine ; elle a dix ans de date, mais elle est encore neuve. Il en a coûté 1,000 journées de travail pour la faire. Je vous la cède contre un nombre égal de journées. » À quoi je réponds : Depuis dix ans, on a inventé de nouveaux outils, on a découvert de nouveaux procédés, si bien que je puis faire aujourd’hui, ou faire faire, ce qui revient au même, une machine semblable avec 600 journées ; donc, je ne vous en donnerai pas davantage. — « Mais je perdrai 400 journées. » — Non, car 6 journées d’aujourd’hui en valent 10 d’autrefois. En tout cas, ce que vous m’offrez pour 1,000, je puis me le procurer pour 600. Ceci finit le débat ; si le temps a frappé la valeur de votre travail de détérioration, pourquoi serait-ce à moi d’assumer cette perte  ?

Vous me dites : « Voilà un champ. Pour l’amener à l’état de productivité où il est, moi et mes ancêtres avons dépensé 1,000 journées. À la vérité, ils ne connaissaient ni hache, ni scie, ni bêche, et faisaient tout à force de bras. N’importe, donnez-moi d’abord 1,000 de vos journées, pour équivaloir aux 1,000 que je vous cède, puis ajoutez-en 300 pour la valeur de la puissance productive du sol, et prenez ma terre. » Je réponds : Je ne vous donnerai