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fance de la société, la période des tâtonnements, l’époque des brusques écarts, des alternatives de pléthore et de marasme, en un mot, le règne absolu de l’aléatoire. Le salariat, au contraire, est ce degré intermédiaire qui sépare l’aléatoire de la stabilité.

Or les ouvriers ne se sentant pas encore, à beaucoup près, dans la stabilité, mettaient, comme tous les hommes soumis à un malaise, leurs espérances dans un changement quelconque de position. C’est pourquoi il a été très-facile au socialisme de leur en imposer avec le grand mot d’association. Les ouvriers se croyaient poussés en avant, quand, en réalité, ils étaient refoulés en arrière.

Oui, les malheureux étaient refoulés vers les premiers tâtonnements de l’évolution sociale : car l’association telle qu’on la leur prêchait, qu’est-ce autre chose que l’enchaînement de tous à tous les risques  ? — Combinaison fatale dans les temps d’ignorance absolue, puisque le traité à forfait suppose au moins un commencement de statistique expérimentale. — Qu’est-ce autre chose que la restauration pure et simple du règne de l’aléatoire  ?

Aussi les ouvriers qui s’étaient enthousiasmés pour l’association, tant qu’ils ne l’avaient aperçue qu’à l’état théorique, se sont-ils ravisés dès que la Révolution de Février a paru rendre la pratique possible.

À ce moment, beaucoup de patrons, soit qu’ils fussent sous l’influence de l’engouement universel, soit qu’ils cédassent à la peur, offrirent de substituer au salaire le compte en participation. Mais les ouvriers reculèrent devant cette solidarité des risques. Ils comprirent que ce qu’on leur offrait, pour le cas où l’entreprise serait en perte, c’était l’absence de toute rémunération sous une forme quelconque, c’était la mort.

On vit alors une chose qui ne serait pas honorable pour la classe ouvrière de notre pays, si le blâme ne devait pas