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ne peut que se bien trouver de ce qu’une entreprise, autrefois tiraillée par deux intelligences et deux volontés, va désormais être soumise à l’unité de vues et d’action.

Mais, parce que l’association est modifiée, peut-on dire qu’elle est dissoute, alors que le concours de deux hommes persiste et qu’il n’y a de changé que le mode selon lequel le produit se partage  ? Peut-on dire surtout qu’elle s’est dépravée, alors que la novation est librement consentie et satisfait tout le monde  ?

Pour réaliser de nouveaux moyens de satisfaction, il faut presque toujours, je pourrais dire toujours, le concours d’un travail antérieur et d’un travail actuel. D’abord, en s’unissant dans une œuvre commune, le Capital et le Travail sont forcés de se soumettre, chacun pour sa part, aux risques de l’entreprise. Cela dure jusqu’à ce que ces risques puissent être expérimentalement appréciés. Alors deux tendances aussi naturelles l’une que l’autre au cœur humain se manifestent ; je veux parler des tendances à l’unité de direction et à la fixité de situation. Rien de plus simple que d’entendre le Capital dire au Travail : « L’expérience nous apprend que ton profit éventuel constitue pour toi une rétribution moyenne de tant. Si tu veux, je t’assurerai ce quantum et dirigerai l’opération, dont m’appartiendront les chances bonnes ou mauvaises. »

Il est possible que le Travail réponde : « Cette proposition m’arrange. Tantôt, dans une année, je ne gagne que 300 fr. ; une autre fois j’en gagne 900. Ces fluctuations m’importunent ; elles m’empêchent de régler uniformément mes dépenses et celles de ma famille. C’est un avantage pour moi de me soustraire à cet imprévu perpétuel et de recevoir une rétribution fixe de 600 fr. »

Sur cette réponse, les termes du contrat sont changés. On continuera bien d’unir ses efforts, d’en partager les produits, et par conséquent l’association ne sera pas dissoute ; mais