Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/458

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cède comme ce qu’on reçoit, c’est du travail, des efforts, des peines, des soins, de l’habileté naturelle ou acquise ; ce que l’on se confère l’un à l’autre, ce sont des satisfactions ; ce qui détermine l’échange, c’est l’avantage commun, et ce qui le mesure, c’est la libre appréciation des services réciproques. Les nombreuses combinaisons auxquelles ont donné lieu les transactions humaines ont nécessité un volumineux vocabulaire économique ; mais les mots Profits, Intérêts, Salaires, qui expriment des nuances, ne changent pas le fond des choses. C’est toujours le do ut des, ou plutôt le facio ut facias, qui est la base de toute l’évolution humaine au point de vue économique.

Les salariés ne font pas exception à cette loi. Examinez bien. Rendent-ils des services  ? cela n’est pas douteux. En reçoivent-ils  ? ce ne l’est pas davantage. Ces services s’échangent-ils volontairement, librement  ? Aperçoit-on dans ce mode de transaction la présence de la fraude, de la violence  ? C’est ici peut-être que commencent les griefs des ouvriers. Ils ne vont pas jusqu’à se prétendre dépouillés de la liberté, mais ils affirment que cette liberté est purement nominale et même dérisoire, parce que celui dont la nécessité force les déterminations n’est pas réellement libre. Reste donc à savoir si le défaut de la liberté ainsi entendue ne tient pas plutôt à la situation de l’ouvrier qu’au mode selon lequel il est rémunéré.

Quand un homme met ses bras au service d’un autre, sa rémunération peut consister en une part de l’œuvre produite, ou bien en un salaire déterminé. Dans un cas comme dans l’autre, il faut qu’il traite de cette part, — car elle peut être plus ou moins grande, — ou de ce salaire, — car il peut être plus ou moins élevé. Et si cet homme est dans le dénûment absolu, s’il ne peut attendre, s’il est sous l’aiguillon d’une nécessité urgente, il subira la loi, il ne pourra se soustraire aux exigences de son associé. Mais il faut bien