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comprendra ainsi ce que j’entends par statistique expérimentale.

Des hommes ont chacun une maison. L’une vient à brûler, et voilà le propriétaire ruiné. Aussitôt l’alarme se répand chez tous les autres. Chacun se dit : « Autant pouvait m’en arriver. » Il n’y a donc rien de bien surprenant à ce que tous les propriétaires se réunissent et répartissent autant que possible les mauvaises chances, en fondant une assurance mutuelle contre l’incendie. Leur convention est très-simple. En voici la formule : « Si la maison de l’un de nous brûle, les autres se cotiseront pour venir en aide à l’incendié. »

Par là, chaque propriétaire acquiert une double certitude : d’abord, qu’il prendra une petite part à tous les sinistres de cette espèce ; ensuite, qu’il n’aura jamais à essuyer le malheur tout entier.

Au fond, et si l’on calcule sur un grand nombre d’années, on voit que le propriétaire fait, pour ainsi dire, un arrangement avec lui-même. Il économise de quoi réparer les sinistres qui le frappent.

Voilà l’association. C’est même à des arrangements de cette nature que les socialistes donnent exclusivement le nom d’association. Sitôt que la spéculation intervient, selon eux, l’association disparaît. Selon moi, elle se perfectionne, ainsi que nous allons le voir.

Ce qui a porté nos propriétaires à s’associer, à s’assurer mutuellement, c’est l’amour de la fixité, de la sécurité. Ils préfèrent des chances connues à des chances inconnues, une multitude de petits risques à un grand.

Leur but n’est pas cependant complétement atteint, et il est encore beaucoup d’aléatoire dans leur position. Chacun d’eux peut se dire : « Si les sinistres se multiplient, ma quote-part ne deviendra-t-elle pas insupportable ? En tout cas, j’aimerais bien à la connaître d’avance et à faire