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soixante-dix. Or je ne mesure pas votre service par le temps qu’il vous a coûté, mais par le service qu’il me rend : ce service n’est plus que de soixante-dix journées, puisque avec ce temps je puis me le rendre à moi-même, ou trouver qui me le rende.

Il résulte de là que la valeur des capitaux se détériore incessamment, et que le capital ou le travail antérieur n’est pas aussi favorisé que le croient les Économistes superficiels.

Il n’y a pas de machine un peu vieille qui ne perde, abstraction faite du dépérissement à l’user, par ce seul motif qu’on en fabrique aujourd’hui de meilleures.

Il en est de même des terres. Et il y en a bien peu qui, pour être amenées à l’état de fertilité où elles sont, n’aient coûté plus de travail qu’il n’en faudrait aujourd’hui, où l’on a des moyens d’action plus énergiques.

Telle est la marche générale, mais non nécessaire.

Un travail antérieur peut rendre aujourd’hui de plus grands services qu’autrefois. C’est rare, mais cela se voit. Par exemple, j’ai gardé du vin qui représente vingt journées de travail. — Si je l’avais vendu tout de suite, mon travail aurait reçu une certaine rémunération. J’ai gardé mon vin ; il s’est amélioré, la récolte suivante a manqué, bref, le prix a haussé, et ma rémunération est plus grande. Pourquoi ? Parce que je rends plus de services, — que les acquéreurs auraient plus de peine à se procurer ce vin que je n’en ai eu, — que je satisfais à un besoin devenu plus grand, plus apprécié, etc…

C’est ce qu’il faut toujours examiner.

Nous sommes mille. Chacun a son hectare de terre et le défriche ; le temps s’écoule, et l’on vend. Or, il arrive que sur 1,000 il y en a 998 qui ne reçoivent ou ne recevront jamais autant de journées de travail actuel, en échange de la terre, qu’elle leur en a coûté autrefois ; et cela parce que le