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vol) est néanmoins très-moral s’il s’appuie sur la loi. En sorte qu’on voit le peuple demander… Quoi  ?… — Des priviléges !… Lui aussi somme l’État de lui fournir de l’instruction, du travail, du crédit, de l’assistance, aux dépens du peuple. — Oh ! quelle illusion étrange ! et combien de temps durera-t-elle ? — On conçoit bien que toutes les classes élevées, à commencer par la plus haute, puissent venir l’une après l’autre réclamer des faveurs, des priviléges. Au-dessous d’elles, il y a la grande masse populaire sur qui tout cela retombe. Mais que le peuple, une fois vainqueur, se soit imaginé d’entrer lui aussi tout entier dans la classe des privilégiés, de se créer des monopoles à lui-même et sur lui-même, d’élargir la base des abus pour en vivre ; qu’il n’ait pas vu qu’il n’y a rien au-dessous de lui pour alimenter ces injustices, c’est là un des phénomènes les plus étonnants de notre époque et d’aucune époque.

Qu’est-il arrivé ? C’est que sur cette voie la Société était conduite à un naufrage général. Elle s’est alarmée avec juste raison. Le peuple a bientôt perdu sa puissance, et l’ancien partage des abus a provisoirement repris son assiette ordinaire.

Cependant la leçon n’a pas été tout à fait perdue pour les classes élevées. Elles sentent qu’il faut faire justice aux travailleurs. Elles désirent vivement y parvenir, non-seulement parce que leur propre sécurité en dépend, mais encore, il faut le reconnaître, par esprit d’équité. Oui, je le dis avec conviction entière, la classe riche ne demande pas mieux que de trouver la grande solution. Je suis convaincu que si l’on réclamait de la plupart des riches l’abandon d’une portion considérable de leur fortune, en garantissant que désormais le peuple sera heureux et satisfait, ils en feraient avec joie le sacrifice. Ils cherchent donc avec ardeur le moyen de venir, selon l’expression consacrée, au secours des