Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si, au contraire, l’union est avantageuse, elle s’accomplira en vertu de l’intérêt personnel, le plus fort, le plus permanent, le plus uniforme, le plus universel de tous les mobiles, quoi qu’on dire.

Et voyez comment les choses se passent. Un Squatter s’en va défricher une terre dans le Far-west. Il n’y a pas de jour où il n’éprouve combien l’isolement lui crée de difficultés. Bientôt un second Squatter se dirige aussi vers le désert. Où plantera-t-il sa tente ? S’éloignera-t-il naturellement du premier ? Non, il s’en rapprochera naturellement. Pourquoi ? Parce qu’il sait tous les avantages que les hommes tirent, à efforts égaux, de leur simple rapprochement. Il sait que, dans une multitude de circonstances, ils pourront s’emprunter et se prêter des instruments, unir leur action, vaincre des difficultés inabordables pour des forces individuelles, se créer réciproquement des débouchés, se communiquer leurs idées et leurs vues, pourvoir à la défense commune. Un troisième, un quatrième, un cinquième Squatter pénètrent dans le désert, et invariablement leur tendance est de se laisser attirer par la fumée des premiers établissements. D’autres peuvent alors survenir avec des capitaux plus considérables, sachant qu’ils trouveront des bras à mettre en œuvre. La colonie se forme. On peut varier un peu les cultures ; tracer un sentier vers la route où passe la malle-poste ; importer et exporter ; songer à construire une église, une maison d’école, etc., etc. En un mot, la puissance des colons s’augmente, par le fait seul de leur rapprochement, de manière à dépasser dans des proportions incalculables la somme de leurs forces isolées. C’est là le motif qui les a attirés les uns vers les autres.

Mais, dira-t-on, chacun pour soi est une maxime bien triste, bien froide. Tous les raisonnements, tous les paradoxes du monde n’empêcheront pas qu’elle ne soulève nos antipathies, qu’elle ne sente l’égoïsme d’une lieue ; et l’é-