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Dieu sur les vaines et impuissantes combinaisons des hommes.

Je dois rappeler ici ce singulier mais incontestable résultat de l’ordre social, sur lequel j’ai déjà attiré l’attention du lecteur (page 25), et que la puissance de l’habitude dérobe trop souvent à notre vue. C’est que : La somme des satisfactions qui aboutit à chaque membre de la société est de beaucoup supérieure à celle qu’il pourrait se procurer par ses propres efforts. — En d’autres termes, il y a une disproportion évidente entre nos consommations et notre travail. Ce phénomène, que chacun de nous peut aisément constater, s’il veut tourner un instant ses regards sur lui-même, devrait, ce me semble, nous inspirer quelque reconnaissance pour la Société à qui nous en sommes redevables.

Nous arrivons dénués de tout sur cette terre, tourmentés de besoins sans nombre, et pourvus seulement de facultés pour y faire face. Il semble, à priori, que tout ce à quoi nous pourrions prétendre, c’est d’obtenir des satisfactions proportionnelles à notre travail. Si nous en avons plus, infiniment plus, à qui devons-nous cet excédant ? Précisément à cette organisation naturelle contre laquelle nous déclamons sans cesse, quand nous ne cherchons pas à la détruire.

En lui-même, le phénomène est vraiment extraordinaire. Que certains hommes consomment plus qu’ils ne produisent, rien de plus aisément explicable, si, d’une façon ou d’une autre, ils usurpent les droits d’autrui, s’ils reçoivent des services sans en rendre. Mais comment cela peut-il être vrai de tous les hommes à la fois ? Comment se fait-il qu’après avoir échangé leurs services sans contrainte, sans spoliation, sur le pied de l’équivalence, chaque homme puisse se dire avec vérité : Je détruis en un jour plus que je ne pourrais créer en un siècle !

Le lecteur comprend que cet élément additionnel qui résout le problème, c’est le concours toujours plus efficace des