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défricher, le propriétaire foncier, qu’il cultive, afferme ou vende, ne jouit d’aucun privilége, d’aucun monopole, d’aucun avantage exceptionnel, et notamment il ne prélève aucune aubaine sur les libéralités gratuites de la nature. Comment en serait-il ainsi, les hommes étant supposés libres ? Est-ce que quiconque a des capitaux et des bras, n’a pas le droit de choisir entre l’agriculture, la fabrique, le commerce, la pêche, la navigation, les arts ou les professions libérales ? Est-ce que les capitaux et les bras ne se dirigeraient pas avec plus d’impétuosité vers celle de ces carrières qui donnerait des profits extraordinaires ? Est-ce qu’ils ne déserteraient pas celles qui laisseraient de la perte ? Est-ce que cette infaillible distribution des forces humaines ne suffit pas pour établir, dans l’hypothèse où nous sommes, l’équilibre des rémunérations ? Est-ce qu’on voit aux États-Unis les agriculteurs faire plus promptement fortune que les négociants, les armateurs, les banquiers ou les médecins, ce qui arriverait infailliblement s’ils recevaient d’abord, comme les autres, le prix de leur travail, et en outre, de plus que les autres, ainsi qu’on le prétend, le prix du travail incommensurable de la nature ?

Oh ! veut-on savoir comment le propriétaire foncier pourrait se constituer, même aux États-Unis, un monopole ? J’essayerai de le faire comprendre.

Je suppose que Jonathan réunît tous les propriétaires fonciers de l’Union et leur tînt ce langage :

J’ai voulu vendre mes récoltes, et je n’ai pas trouvé qu’on m’en donnât un prix assez élevé. J’ai voulu affermer ma terre, et mes prétentions ont rencontré des limites. J’ai voulu l’aliéner, et je me suis heurté à la même déception. Toujours on a arrêté mes exigences par ce mot : il y a des terres à côté. De telle sorte, chose horrible, que mes services dans la communauté sont estimés, comme tous les autres, ce qu’ils valent, malgré les douces promesses des théo-