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qualité, outre la double rétribution dont s’agit, je devais tirer profit des puissances productives et indestructibles du sol, prélever une aubaine sur les dons de Dieu.

— Les dons de Dieu appartiennent à tout le monde, dit le marchand. Je me sers bien de la puissance productive du vent pour pousser mes navires, mais je ne la fais pas payer.

— Et moi j’entends que vous me payiez quelque chose pour ces forces, afin que MM. Senior, Considérant et Proudhon ne m’aient pas en vain appelé monopoleur et usurpateur. Si j’en ai la honte, c’est bien le moins que j’en aie le profit.

— En ce cas, adieu, frère ; pour avoir du maïs, je m’adresserai à d’autres propriétaires, et si je les trouve dans les mêmes dispositions que vous, j’en cultiverai moi-même.

Jonathan comprit alors cette vérité que, sous un régime de liberté, n’est pas monopoleur qui veut. Tant qu’il y aura des terres à défricher dans l’Union, se dit-il, je ne serai que le metteur en œuvre des fameuses forces productives et indestructibles. On me payera ma peine, et voilà tout, absolument comme quand j’étais porteur d’eau on me payait mon travail et non celui de la nature. Je vois bien que le véritable usufruitier des dons de Dieu, ce n’est pas celui qui cultive le blé, mais celui que le blé nourrit.

Au bout de quelques années, une autre entreprise ayant séduit Jonathan, il se mit à chercher un fermier pour sa terre. Le dialogue qui intervint entre les deux contractants fut très-curieux, et jetterait un grand jour sur la question, si je le rapportais en entier.

En voici un extrait :

Le propriétaire. Quoi ! vous ne me voulez payer pour fermage que l’intérêt, au cours, du capital que j’ai déboursé ?

Le fermier. Pas un centime au delà.

Le propriétaire. Pourquoi cela, s’il vous plaît ?