Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/325

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celui que lui ont fourni les auteurs en confondant l’utilité et la valeur.


« Qui a droit, dit-il, de faire payer l’usage du sol, de cette richesse qui n’est pas le fait de l’homme ? À qui est dû le fermage de la terre ? au producteur de la terre, sans doute. Qui a fait la terre ? Dieu. En ce cas, propriétaire, retire-toi.

… Mais le créateur de la terre ne la vend pas, il la donne ; et, en la donnant, il ne fait aucune acception de personnes. Comment donc parmi tous ses enfants, ceux-là se trouvent-ils traités en aînés, ceux-ci en bâtards ? Comment, si l’égalité des lots fut le droit originel, l’inégalité des conditions est-elle le droit posthume ? »


Répondant à J.-B. Say, qui avait assimilé la terre à un instrument, il dit :


« Je tombe d’accord que la terre est un instrument ; mais quel est l’ouvrier ? Est-ce le propriétaire ? Est-ce lui qui, par la vertu efficace du droit de propriété, lui communique la vigueur et la fécondité ? Voilà précisément en quoi consiste le monopole du propriétaire, que, n’ayant pas fait l’instrument, il s’en fait payer le service. Que le créateur se présente et vienne lui-même réclamer le fermage de la terre, nous compterons avec lui ; ou bien que le propriétaire, soi-disant fondé de pouvoirs, montre sa procuration. »


Cela est évident. Ces trois systèmes n’en font qu’un. Économistes, Socialistes, Égalitaires, tous adressent à la Propriété foncière un reproche, et le même reproche, celui de faire payer ce qu’elle n’a pas le droit de faire payer. Ce tort, les uns l’appellent monopole, les autres illégitimité, et les troisièmes vol ; ce n’est qu’une gradation dans le même grief.

Maintenant, j’en appelle à tout lecteur attentif, ce grief est-il fondé ? N’ai-je pas démontré qu’il n’y a qu’une chose qui se place entre le don de Dieu et la bouche affamée, c’est le service humain ?

Économistes, vous dites : « La rente est ce qu’on paye au propriétaire, pour l’usage des facultés productives et indestructibles du sol. » Je dis : Non. La rente, c’est ce qu’on paye au porteur d’eau pour la peine qu’il s’est donnée à