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La Propriété foncière reçut le premier choc. Cela devait être. Ce n’est pas que toutes les industries ne fassent intervenir dans leur œuvre des forces naturelles ; mais ces forces se manifestent d’une manière beaucoup plus éclatante, aux yeux de la multitude, dans les phénomènes de la vie végétale et animale, dans la production des aliments et de ce qu’on nomme improprement matières premières, œuvres spéciales de l’agriculture.

D’ailleurs, si un monopole devait plus que tout autre révolter la conscience humaine, c’était sans doute celui qui s’appliquait aux choses les plus nécessaires à la vie.

La confusion dont il s’agit, déjà fort spécieuse au point de vue scientifique, puisque aucun théoricien que je sache n’y a échappé, devenait plus spécieuse encore par le spectacle qu’offre le monde.

On voyait souvent le Propriétaire foncier vivre sans travailler, et l’on en tirait cette conclusion assez plausible : « Il faut bien qu’il ait trouvé le moyen de se faire rémunérer pour autre chose que pour son travail. » Cette autre chose, que pouvait-elle être, sinon la fécondité, la productivité, la coopération de l’instrument, le sol ? C’est donc la rente du sol qui fut flétrie, selon les époques, des noms de monopole nécessaire, privilége, illégitimité, vol.

Il faut le dire : la théorie a rencontré sur son chemin un fait qui a dû contribuer puissamment à l’égarer. Peu de terres, en Europe, ont échappé à la conquête et à tous les abus qu’elle entraîne. La science a pu confondre la manière dont la Propriété foncière a été acquise violemment avec la manière dont elle se forme naturellement.

Mais il ne faut pas imaginer que la fausse définition du mot valeur se soit bornée à ébranler la Propriété foncière. C’est une terrible et infatigable puissance que la logique, qu’elle parte d’un bon ou d’un mauvais principe ! Comme la terre, a-t-on dit, fait concourir à la production de la va-