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Mais en acceptant d’avance le calice, je n’en dois pas moins m’efforcer de l’éloigner.

Il faudra que le lecteur ait été bien inattentif (et c’est pourquoi la classe de lecteurs la plus redoutable est celle qui ne lit pas), s’il n’a pas vu l’abîme qui sépare la Communauté et le Communisme. Entre ces deux idées, il y a toute l’épaisseur non-seulement de la propriété, mais encore du droit, de la liberté, de la justice, et même de la personnalité humaine.

La Communauté s’entend des biens dont nous jouissons en commun, par destination providentielle, sans qu’il y ait aucun effort à faire pour les appliquer à notre usage ; — ils ne peuvent donc donner lieu à aucun service, à aucune transaction, à aucune Propriété. Celle-ci a pour fondement le droit que nous avons de nous rendre des services à nous-mêmes, ou d’en rendre aux autres à charge de revanche.

Ce que le Communiste veut mettre en commun, ce n’est pas le don gratuit de Dieu, c’est l’effort humain, c’est le service.

Il veut que chacun porte à la masse le fruit de son travail, et il charge ensuite l’autorité de faire de cette masse une répartition équitable.

Or, de deux choses l’une : ou cette répartition se fera proportionnellement aux mises, ou elle sera assise sur une autre base.

Dans le premier cas, le communisme aspire à réaliser, quant au résultat, l’ordre actuel, se bornant à substituer l’arbitraire d’un seul à la liberté de tous.

Dans le second cas, quelle sera la base de la répartition ? Le Communisme répond : L’égalité. — Quoi ! l’égalité sans avoir égard à la différence des peines ! On aura part égale, qu’on ait travaillé six heures ou douze, machinalement ou avec intelligence ! — Mais c’est de toutes les inégalités la plus choquante ; en outre, c’est la destruction de toute acti-