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Sans cela, comment pourrions-nous expliquer le progrès, la civilisation, quelque imparfaite qu’elle soit ? Tournons nos regards sur nous-mêmes ; considérons notre faiblesse ; comparons notre vigueur et nos connaissances avec la vigueur et les connaissances que supposent les innombrables satisfactions qu’il nous est donné de puiser dans le milieu social. Certes, nous resterons convaincus que, réduits à nos propres efforts, nous n’en atteindrions pas la cent-millième partie, mît-on à la disposition de chacun de nous des millions d’hectares de terre inculte. Il est donc certain qu’une quantité donnée d’efforts humains réalise immensément plus de résultats aujourd’hui qu’au temps des Druides. Si cela n’était vrai que d’un individu, l’induction naturelle serait qu’il vit et prospère aux dépens d’autrui. Mais puisque le phénomène se manifeste dans tous les membres de la famille humaine, il faut bien arriver à cette conclusion consolante, que quelque chose qui n’est pas de nous est venu à notre aide ; que la coopération gratuite de la nature s’est progressivement ajoutée à nos propres efforts, et qu’elle reste gratuite à travers toutes nos transactions ; — car, si elle n’était pas gratuite, elle n’expliquerait rien.

De ce qui précède, nous devons déduire ces formules :

Toute propriété est une Valeur ; toute Valeur est une Propriété.

Ce qui n’a pas de valeur est gratuit ; ce qui est gratuit est commun.

Baisse de valeur, c’est approximation vers la gratuité.

Approximation vers la gratuité, c’est réalisation partielle de Communauté.

Il est des temps où l’on ne peut prononcer certains mots sans s’exposer à de fausses interprétations. Il ne manquera pas de gens prêts à s’écrier, dans une intention laudative ou critique, selon le camp : « L’auteur parle de communauté, donc il est communiste. » Je m’y attends, et je m’y résigne.