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Et quand l’obstacle est renversé dans une certaine mesure, il se trouve qu’il a disparu dans cette mesure au profit de tous. Alors l’infatigable Propriété s’attaque à d’autres obstacles, et ainsi de suite et toujours, élevant sans cesse le niveau humain, réalisant de plus en plus la Communauté et avec elle l’Égalité au sein de la grande famille.

C’est en cela que consiste l’Harmonie vraiment merveilleuse de l’ordre social naturel. Cette harmonie, je ne puis la décrire sans combattre des objections toujours renaissantes, sans tomber dans de fatigantes redites. N’importe, je me dévoue ; que le lecteur se dévoue aussi un peu de son côté.

Il faut bien se pénétrer de cette notion fondamentale : Quand il n’y a pour personne aucun obstacle entre le désir et la satisfaction (il n’y en a pas, par exemple, entre nos yeux et la lumière du jour), il n’y a aucun effort à faire, aucun service à se rendre à soi-même ou à rendre aux autres, aucune valeur, aucune Propriété possible. Quand un obstacle existe, toute la série se construit. Nous voyons apparaître d’abord l’Effort ; — puis l’échange volontaire des efforts et des services ; — puis l’appréciation comparée des services ou la Valeur ; enfin, le droit pour chacun de jouir des utilités attachées à ces valeurs ou la Propriété.

Si, dans cette lutte contre des obstacles toujours égaux, le concours de la nature et celui du travail étaient aussi toujours respectivement égaux, la Propriété et la Communauté suivraient des lignes parallèles sans jamais changer de proportions.

Mais il n’en est pas ainsi. L’aspiration universelle des hommes, dans leurs entreprises, est de diminuer le rapport de l’effort au résultat, et, pour cela, d’associer à leur travail une proportion toujours croissante d’agents naturels. Il n’y a pas sur toute la terre un agriculteur, un manufacturier, un négociant, un ouvrier, un armateur, un artiste dont