Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surable fonds commun, qui n’a rien à démêler avec la Valeur ou la Propriété, Say le nomme richesse naturelle, par opposition à la richesse sociale ; Proudhon, biens naturels, par opposition aux biens acquis ; Considérant, Capital naturel, par opposition au Capital créé ; Saint-Chamans, richesse de jouissance, par opposition à la richesse de valeur ; nous l’avons nommé utilité gratuite, par opposition à l’utilité onéreuse. Qu’on l’appelle comme on voudra, il existe : cela suffit pour dire : Il y a parmi les hommes un fonds commun de satisfactions gratuites et égales.

Et si la richesse sociale, acquise, créée, de valeur, onéreuse, en un mot la Propriété, est inégalement répartie, on ne peut pas dire qu’elle le soit injustement, puisqu’elle est pour chacun proportionnelle aux services d’où elle procède et dont elle n’est que l’évaluation. En outre, il est clair que cette inégalité est atténuée par l’existence du fonds commun, en vertu de cette règle mathématique ; l’inégalité relative de deux nombres inégaux s’affaiblit si l’on ajoute à chacun d’eux des nombres égaux. Lors donc que nos inventaires constatent qu’un homme est le double plus riche qu’un autre, cette proportion cesse d’être exacte si l’on prend en considération leur part dans l’utilité gratuite, et même l’inégalité s’effacerait progressivement, si cette masse commune était elle-même progressive.

La question est donc de savoir si ce fonds commun est une quantité fixe, invariable, accordée aux hommes dès l’origine et une fois pour toutes par la Providence, au-dessus de laquelle se superpose le fonds approprié, sans qu’il puisse y avoir aucune relation, aucune action entre ces deux ordres de phénomènes.

Les économistes ont pensé que l’ordre social n’avait aucune influence sur cette richesse naturelle et commune, et c’est pourquoi ils l’ont exclue de l’économie politique.