Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/290

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De ce que la charrue, la herse, le marteau, la scie, les bœufs et les chevaux, la voile, les chutes d’eau, la vapeur, ont successivement exonéré l’humanité d’une masse énorme d’efforts pour chaque résultat obtenu, il ne s’ensuit pas nécessairement que ces efforts mis en disponibilité aient été frappés d’inertie. Rappelons-nous ce qui a été dit de l’expansibilité indéfinie des besoins et des désirs. Jetons d’ailleurs un regard sur le monde, et nous n’hésiterons pas à reconnaître qu’à chaque fois que l’homme a pu vaincre un obstacle avec de la force naturelle, il a tourné sa force propre contre d’autres obstacles. On imprime plus facilement, mais on imprime davantage. Chaque livre répond à moins d’effort humain, à moins de valeur, à moins de propriété ; mais il y a plus de livres, et, au total, autant d’efforts, autant de valeurs, autant de Propriétés. J’en pourrais dire autant des vêtements, des maisons, des chemins de fer, de toutes les productions humaines. Ce n’est pas l’ensemble des valeurs qui a diminué, c’est l’ensemble des utilités qui a augmenté. Ce n’est pas le domaine absolu de la Propriété qui s’est rétréci, c’est le domaine absolu de la Communauté qui s’est élargi. Le progrès n’a pas paralysé le travail, il a étendu le bien-être.

La gratuité et la Communauté, c’est le domaine des forces naturelles, et ce domaine s’agrandit sans cesse. C’est une vérité de raisonnement et de fait.

La Valeur et la Propriété, c’est le domaine des efforts humains, des services réciproques ; et ce domaine se resserre incessamment pour chaque résultat donné, mais non pour l’ensemble des résultats, — pour chaque satisfaction déterminée, mais non pour l’ensemble des satisfactions, parce que les satisfactions possibles ouvrent devant l’humanité un horizon sans limites.

Autant donc il est vrai que la Propriété relative fait successivement place à la Communauté, autant il est faux que