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qu’il soit dans la nature du progrès d’altérer le domaine absolu de la Propriété.

Nous l’avons dit plusieurs fois et sous toutes les formes : chaque effort, avec le temps, peut servir de véhicule à une plus grande somme d’utilité gratuite, sans qu’on soit autorisé à en conclure que les hommes cesseront jamais de faire des efforts. Tout ce qu’on en doit déduire, c’est que leurs forces devenues disponibles s’attaqueront à d’autres obstacles, réalisant, à travail égal, des satisfactions jusque-là inconnues.

J’insisterai encore sur cette idée. Il doit être permis, par le temps qui court, de ne rien laisser à l’interprétation abusive quand on s’est avisé d’articuler ces terribles mots : Propriété, Communauté.

À un moment donné de son existence, l’homme isolé ne peut disposer que d’une certaine somme d’efforts. Il en est de même de la société.

Quand l’homme isolé réalise un progrès, en faisant concourir à son œuvre une force naturelle, la somme de ses efforts se trouve réduite d’autant, par rapport à l’effet utile cherché. Elle serait réduite aussi d’une manière absolue, si cet homme, satisfait de sa première condition, convertissait son progrès en loisir, et s’abstenait de consacrer à de nouvelles jouissances cette portion d’efforts rendue désormais disponible. Mais cela suppose que l’ambition, le désir, l’aspiration, sont des forces limitées ; que le cœur humain n’est pas indéfiniment expansible. Or, il n’en est rien. À peine Robinson a mis une partie son travail à la charge de la nature, qu’il le consacre à de nouvelles entreprises. L’ensemble de ses efforts reste le même ; seulement il y en a un entre autres qui est plus productif, plus fructueux, aidé par une plus grande proportion de collaboration naturelle et gratuite. — C’est justement le phénomène qui se réalise au sein de la société.