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dans l’ordre naturel des sociétés, l’intérêt baisse d’autant plus que les capitaux abondent davantage. Leur plût-il de ne point l’admettre, le fait n’en serait pas moins assuré. Le fait a pour lui l’autorité du genre humain et l’acquiescement, involontaire peut-être, de tous les capitalistes du monde. Il est de fait que l’intérêt des capitaux est moins élevé en Espagne qu’au Mexique, en France qu’en Espagne, en Angleterre qu’en France, et en Hollande qu’en Angleterre. Or, quand l’intérêt descend de 20 p. 100 à 15 p. 100, et puis à 10, à 8, à 6, à 5, à 4 1/2, à 4, à 3 1/2, à 3 p. 100, qu’est-ce que cela veut dire relativement à la question qui nous occupe ? Cela veut dire que le capital, pour son concours, dans l’œuvre industrielle, à la réalisation du bien-être, se contente, ou, si l’on veut, est forcé de se contenter d’une part de plus en plus réduite à mesure qu’il s’accroît. Entrait-il pour un tiers dans la valeur du blé, des maisons, des lins, des navires, des canaux ? en d’autres termes, quand on vendait ces choses, revenait-il un tiers aux capitalistes et deux tiers aux travailleurs ? Peu à peu les capitalistes ne reçoivent plus qu’un quart, un cinquième, un sixième ; leur part relative va décroissant ; celle des travailleurs augmente dans la même proportion, et la première partie de ma démonstration est faite.

Il me reste à prouver que la part absolue du capital s’accroît sans cesse. Il est bien vrai que l’intérêt tend à baisser. Mais quand et pourquoi ? Quand et parce que le capital augmente. Il est donc fort possible que le produit total s’accroisse, bien que le percentage diminue, Un homme a plus de rentes avec 200,000 francs à 4 p. 100 qu’avec 100,000 francs à 5 p. 100, encore que, dans le premier cas, il fasse payer moins cher aux travailleurs l’usage du capital. Il en est de même d’une nation et de l’humanité tout entière. Or je dis que le percentage dans sa tendance à baisser, ne doit ni ne peut suivre une progression tellement rapide